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Month: June 2019

Taxonomie du “bâtiment vert”​: un grand petit pas…

Je vais l’admettre tout de suite: je n’ai pas lu intégralement les 414 pages du rapport de taxonomie sur la finance durable de la Commission Européenne. C’est ici que vous pourrez le trouver. J’ai lu la partie qui concerne l’Asset Management immobilier, entre autre parce que c’est la partie sur laquelle j’ai la prétention de pouvoir donner un avis…

Cette partie, que vous trouverez aux pages 381 et suivantes (chapitre 26.5) présente des recommandations pour ce qui concerne de l’investissement immobilier en ligne avec la finance durable. (Attention tout de même aux plus fainéants, il est difficile de comprendre ce chapitre sans faire nombres d’allers et retours vers l’introduction et les autres chapitres concernant l’immobilier…) Un tel rapport, à l’échelle européenne, est une avancée majeure qu’il faut saluer. Il veut poser les bases européennes d’une finance durable afin que tous les acteurs européens puissent s’entendre et parler le même langage.

Pour être un “bâtiment vert”, c’est à dire pour qu’un actif immobilier rentre dans les critères de taxonomie sur l’immobilier, ce dernier doit passer avec succès deux phases de sélection.

D’abord il s’agit d’estimer de quelle manière le bâtiment ne fait pas un tord spécifique à son environnement (DNSH: Do No Significant Harm), en prenant en compte des critères de gestion de l’eau, de déchets, pollution de l’air et de l’eau et de biodiversité, ainsi qu’un critère de résilience. Les critères sont encore peu précis, et les lacunes sont nombreuses (la pollution et les déchets, par exemple, ne doivent être pris en compte que s’il y a une rénovation…) mais il faut reconnaître l’avancée que représente la prise en compte de toutes les familles d’impact environnemental d’un bâtiment.

Le sujet de la biodiversité, par exemple, est historiquement perçu comme l’empêcheur de tourner en rond (ou de construire carré…) car nombre de projets ont dû subir des délais et retards à cause de la petite fleur protégée. Il est aujourd’hui incontestable que la 6e extinction des espèce sur Terre est une menace pour l’Homme et ce critère n’est pas ignoré: c’est une très bonne chose.

La deuxième phase de sélection exige du bâtiment qu’il fasse partie des 15% d’actifs les plus performants quant à son efficacité énergétique (ou qu’il le devienne dans les 3 ans). Comme certains travers ont la vie dure… l’efficacité énergétique reste la marotte des politiques publiques, et ce rapport n’y échappe pas.

Ce qui est aussi très intéressant, c’est que nous voyons apparaître la notion de l’usage qui est fait du bâtiment. Une petite ligne précise que les constructions neuves ou les rénovations qui ont pour but l’occupation par des activités d’extraction ou de transport d’énergie fossile ne sont pas éligibles au bâtiment vert.

Cette petite mention, qui empêche un immeuble d’être un bâtiment vert s’il est construit pour un utilisateur final de l’industrie des énergies fossiles, est le seul critère qui ne dépend pas des caractéristiques physiques du bâtiment.

C’est un tout petit début dans la prise en compte de l’impact sociétal d’un bâtiment, mais c’est un grand pas pour commencer à penser une économie régénérative!

Dans cette nouvelle économie, l’immobilier aura un rôle incontournable à jouer.

ISR et immobilier?

L’ISR est le sigle de l’investissement Socialement Responsable, en anglais SRI pour Socially Responsible Investing. Selon le FIR:

« L’ISR (Investissement Socialement Responsable) est un placement qui vise à concilier performance économique et impact social et environnemental en finançant les entreprises et les entités publiques qui contribuent au développement durable quel que soit leur secteur d’activité. En influençant la gouvernance et le comportement des acteurs, l’ISR favorise une économie responsable »

Forum pour l’Investissement Responsable

Et oui… l’immobilier n’est ni une entreprise ni une entité publique! Il faut donc remonter un peu plus en amont sur la définition de l’ISR pour aller chercher comment l’appliquer à l’immobilier.

L’approche de l’ISR sont basées sur une analyse dite extra-financière: elle prend en compte des critères autres que la seule performance financière, qui sont regroupé sous 3 catégories, dites E, S et G:

  • Environnement: l’impact sur l’environnement;
  • Social / Sociétal: l’impact sur les tiers;
  • Gouvernance: la manière de faire de l’investissement, ce qui regroupe souvent les relations avec les investisseurs, l’éthique et la transparence.

Pour des investissement en actions, tels que définis par le FIR, on regroupe les approches de l’ISR de 4 manières:

  • Best in class: n’investir que sur les meilleures actions selon des critères E, S et G définis;
  • Exclusion: le fonds d’investissement exclut des entreprises pour des raisons en lien avec sa stratégie ISR, comme selon l’activité de l’entreprise ou le non respect de certaines règles déontologiques…
  • Thématique: le fonds va favoriser certaines pratiques ou un certain secteur qu’il identifie comme ayant un impact positif
  • Engagement: il s’agit pour ce type de fonds de privilégier le dialogue et la politique de vote en AG pour faire évoluer le fonctionnement ou l’activité de l’entreprise vers de meilleures pratiques.

Ces 4 approches sont rarement exclusives et, la plupart du temps, se recoupent.

Cependant, c’est bien le fonds, selon sa stratégie, qui va choisir les critères ESG qui vont être évalués et pris en compte. (D’ailleurs il n’existe pas de liste exhaustive de tous les critères ESG et rien n’empêche un fonds d’en inventer un nouveau.) En particulier, un fonds peut décider de se concentrer sur l’enjeu de l’égalité homme – femme et investir dans des activités de centrale à charbon, ce qui pourrait choquer certains investisseurs écologiquement convaincus.

C’est la raison pour laquelle un des piliers de l’ISR est la transparence: le fonds doit expliciter sa politique ESG et s’y tenir! Ainsi, chaque fonds va regrouper des investisseurs qui partagent les mêmes sensibilités.

Dans le cas des fonds de valeurs mobilières, le principal levier d’action est d’investir (soutenir une entreprise) ou désinvestir (sanctionner). C’est évidemment inadapté à l’immobilier, où l’actif, un immeuble, est beaucoup moins susceptible et ne sera pas très ému de la “sanction” que pourrait représenté le fait d’être vendu… L’enjeu de l’ISR appliqué à l’immobilier est bien d’intégrer les critères ESG tout au long de la détention de l’actif immobilier, et si possible de faire progresser ses différents critères.

C’est ce que va s’attacher à faire le label ISR des fonds immobiliers. Ce label d’État existe déjà depuis 2016 pour les valeurs mobilières, et la version adaptée aux fonds immobiliers, proposé par un groupe de travail regroupant de nombreux professionnels convaincus (dont votre humble serviteur…) devrait sortir d’ici la fin de l’année.

On y retrouve des propositions de critères ESG, et même certains sur lesquels le reporting est obligatoire, l’obligation d’intégrer des critères de chaque catégorie, l’obligation de transparence, et une obligation de mettre en œuvre des actions pour faire progresser la performance ESG de chaque actif (ou de maintenir celles des actifs les plus performants…).

Qu’est-ce que l’immobilier durable?

L’immobilier durable est le service rendu par les métiers et les ressources de l’immobilier, lorsqu’ils s’inscrivent dans un fonctionnement pérenne, c’est-à-dire dans une échelle de temps long, bien au-delà des cycles économiques, financiers et technologiques…

Pourquoi ne pas penser dès maintenant les immeubles sur une durée supérieure à 100 ans?

Il faut cependant ne pas perdre de vue l’objectif initial de l’immobilier: offrir un abris pour les activités sociales face aux intempéries et à toutes sortes de dangers extérieurs. Le bâtiment est une seconde peau de la vie sociale…

Bien que radicale, cette optique s’inscrit sur des réflexions économiques, écologiques, techniques et philosophiques déjà existantes et abondantes.

L’immobilier est déjà au cœur des trois piliers du Développement Durable…

Dans la gestion de l’immobilier en France, la dimension économique a pris un tournant dominant depuis les années 90 et encore plus au début des années 2000 avec la financiarisation du secteur. On peut retirer de ces évolutions des avancées significatives, comme des solutions de financement de projets qui sont toujours plus accessibles. On peut parfois trouver que cette financiarisation n’a pas fait que servir le secteur de l’immobilier et on peut par exemple regretter le manque de vision à long terme qui sous-tend beaucoup de décisions d’investissements.

La dimension écologique dans le bâtiment est, un peu à l’image du reste de la société occidentale, en train de prendre une place incontournable.

Le sujet de l’efficacité énergétique est entré dans la règlementation il y a déjà de nombreuses années, il est désormais dans tous les programmes politiques, et celui le sujet des émissions de gaz à effet de serre est mentionné par toutes les grandes institutions, foncières ou fonds immobiliers.

Cependant, comme nous le verrons, l’enjeu écologique de l’immobilier non seulement dépasse ces seuls sujets, mais nécessite une accélération des actions à mettre en œuvre.

Enfin, en France mais probablement dans les autres pays occidentaux, la place de la dimension sociale de l’immobilier est cantonnée aux acteurs du logement social, à savoir l’accessibilité des plus démunis à un logement décent.

Le qualificatif social dans cet aspect correspond à la définition du Larousse : “Qui concerne l’amélioration des conditions de vie et, en particulier, des conditions matérielles des membres de la société”; il est non seulement regrettable, mais néfaste, de ne pas prendre en compte l’enjeu social plus large de l’immobilier dans sa définition suivante:  “Qui se rapporte à une société, à une collectivité humaine considérée comme une entité propre”. Afin d’éviter cet écueil, il est parfois préféré le terme sociétal: “Qui se rapporte aux divers aspects de la vie sociale des individus, en ce qu’ils constituent une société organisée”. En effet, la vie sociale des individus de notre société est intimement liée à l’utilisation qui est faite des divers bâtiments, et l’impact sociétal d’un immeuble de bureau, d’une école ou d’un hôpital ne peut être ignoré!

L’Immobilier Durable, c’est utiliser les outils financiers et l’économiques pour faire perdurer une ressource au service de ses utilisateurs et avec une maîtrise de son empreinte environnementale!